Pleurs de décharge : comprendre ces crises de larmes chez bébé

Vous voilà enfin rentrés à la maison après une journée bien remplie. Bébé a mangé, sa couche est propre, vous l’avez câliné… Et pourtant, vers 18 heures, les pleurs commencent, intenses et inconsolables. Vous avez beau multiplier les tentatives pour l’apaiser, rien n’y fait. Rassurez-vous : ces crises de larmes du soir, appelées pleurs de décharge, sont un phénomène naturel et même bénéfique pour votre tout-petit.
Sommaire (A lire dans cet article)
Qu’est-ce que les pleurs de décharge ?
Les pleurs de décharge se définissent comme des crises de larmes intenses survenant généralement en fin de journée, le plus souvent autour de 18 heures. Contrairement aux pleurs de faim, de douleur ou d’inconfort qui cessent une fois le besoin satisfait, ces pleurs persistent même lorsque tous les besoins physiologiques de bébé ont été comblés.
Aussi appelés « pleurs du soir », ces épisodes constituent le seul moyen pour votre nourrisson d’évacuer le stress et les émotions accumulés durant la journée. Pour votre bébé qui découvre le monde, chaque journée apporte son lot de nouvelles sensations, de bruits, de lumières et d’expériences. Ce surplus de stimulations crée une tension qu’il a besoin de relâcher.
Les pleurs de décharge ne sont ni un signe de mal-être ni une indication que vous avez mal fait quelque chose. Ils représentent un processus naturel d’autorégulation émotionnelle.
Comment reconnaître les pleurs de décharge ?
Plusieurs caractéristiques permettent d’identifier ces pleurs particuliers et de les distinguer d’autres types de pleurs.
Les signes physiques typiques
Durant une crise de pleurs de décharge, bébé présente des manifestations corporelles spécifiques. Son visage est crispé, ses poings serrés, ses jambes repliées sur le ventre. Son corps entier semble tendu, traduisant l’intensité de ce qu’il traverse. Les cris sont puissants, parfois perçants, et peuvent vous paraître inconsolables malgré tous vos efforts.
Le moment de survenue
Ces pleurs apparaissent systématiquement en fin de journée, généralement entre 17 et 22 heures, avec un pic autour de 18 heures. Ce timing n’est pas anodin : la luminosité qui baisse et la nuit qui approche peuvent avoir un caractère inquiétant pour votre tout-petit. Cette période crépusculaire marque la transition vers le sommeil, un moment parfois source d’angoisse pour les nourrissons.
L’absence de cause apparente
Le critère déterminant reste que tous les besoins de base ont été satisfaits. Bébé a été nourri récemment, sa couche est propre, il n’a ni trop chaud ni trop froid, il ne présente aucun symptôme de maladie. Vous avez vérifié qu’aucun vêtement ne le gêne, qu’aucune étiquette ne le gratte. Et pourtant, les pleurs persistent, parfois pendant plusieurs heures.
À quel âge surviennent les pleurs de décharge ?
Les pleurs de décharge suivent une évolution prévisible au cours des premiers mois de vie de votre enfant.
Le calendrier des pleurs de décharge
Ces pleurs apparaissent généralement dès les premiers jours de vie, avec une véritable intensification autour de la troisième semaine. Le pic se situe entre 6 et 8 semaines, période durant laquelle bébé peut pleurer entre 2 et 3 heures par jour, voire davantage pour certains nourrissons.
Bonne nouvelle : ces pleurs diminuent progressivement et s’atténuent spontanément vers l’âge de 3 à 4 mois. À partir de 12 mois, un bébé ne pleure généralement plus qu’une heure cumulée par jour. À ce stade, vous aurez appris à mieux connaître votre enfant et à décoder ses différents types de pleurs.
Les variations individuelles
Chaque bébé est unique, et l’intensité comme la durée des pleurs de décharge varient considérablement d’un enfant à l’autre. Certains nourrissons traversent cette phase avec des pleurs modérés et courts, tandis que d’autres, notamment les bébés aux besoins intenses (BABI) ou ceux souffrant de reflux gastro-œsophagien, peuvent pleurer jusqu’à 5 ou 6 heures par jour.
Pourquoi bébé a-t-il besoin de pleurer le soir ?
Comprendre les mécanismes à l’origine des pleurs de décharge aide à les accepter et à mieux les accompagner.
L’accumulation des stimulations
Imaginez vivre dans un monde totalement nouveau où chaque son, chaque lumière, chaque sensation constitue une découverte. Le cerveau immature de votre bébé absorbe une quantité phénoménale d’informations chaque jour.
Les voix, les visages, les bruits domestiques, les lumières, les textures, les odeurs : tout est nouveau, tout doit être traité, intégré.
Cette surstimulation crée une tension nerveuse que bébé ne sait pas encore gérer seul. À la différence des adultes qui peuvent parler, se défouler ou se détendre consciemment, les pleurs constituent le seul exutoire disponible pour votre nourrisson.
Le rôle du cortisol et de la mélatonine
Les pleurs de décharge s’expliquent également par un mécanisme hormonal. Le cortisol, hormone du stress et de l’éveil, s’accumule tout au long de la journée. Pour s’endormir sereinement, bébé a besoin que son taux de cortisol baisse et que la mélatonine, hormone du sommeil, prenne le relais.
Il existe deux moyens principaux pour l’être humain d’évacuer le surplus de cortisol : la transpiration et les larmes. Pour un nourrisson qui bouge peu, les pleurs deviennent le moyen privilégié de cette régulation hormonale indispensable.
Pleurer permet littéralement à bébé de se décharger du trop-plein de cortisol et de préparer son corps au sommeil.
L’angoisse du crépuscule
La baisse de luminosité en fin de journée peut susciter une forme d’angoisse chez le tout-petit. La nuit qui approche, l’obscurité qui s’installe, représentent une transition parfois inquiétante. Ces pleurs peuvent aussi constituer un moyen pour bébé d’exprimer cette appréhension et de chercher le réconfort parental avant la séparation nocturne.
Pleurs de décharge ou coliques : faire la différence
Parents et professionnels de santé ont longtemps confondu ces deux phénomènes distincts. Il est aujourd’hui établi qu’il s’agit de deux réalités différentes nécessitant des approches distinctes.
Les coliques du nourrisson
Les coliques se caractérisent par des crises de pleurs récurrentes et régulières, durant au moins 3 heures par jour, 3 jours par semaine, pendant plus d’une semaine. Elles sont liées à l’immaturité du système digestif et surviennent généralement après les tétées ou les biberons, à n’importe quel moment de la journée.
Un bébé souffrant de coliques présente souvent des symptômes digestifs : ballonnements, émission de gaz, régurgitations. Son ventre peut être dur et tendu. Ces pleurs sont directement liés à une douleur abdominale.
Les pleurs de décharge
À l’inverse, les pleurs de décharge interviennent spécifiquement en fin de journée, lorsque la luminosité baisse, sans lien avec l’alimentation. Bébé ne présente aucun symptôme digestif particulier. Ces pleurs ne traduisent pas une douleur physique mais un besoin émotionnel de décharge et de réconfort.
La distinction est importante car elle conditionne la façon d’y répondre. Les coliques peuvent nécessiter un avis médical et parfois des adaptations alimentaires, tandis que les pleurs de décharge appellent principalement une présence rassurante et un accompagnement bienveillant.
Comment apaiser les pleurs de décharge ?
Si vous ne pouvez pas empêcher ces pleurs, vous pouvez en revanche accompagner votre bébé avec bienveillance pour l’aider à traverser ce moment.
Créer un environnement apaisant
Installez-vous dans un endroit calme, peu éclairé et confortable. Réduisez au maximum les stimulations : éteignez la télévision, baissez le volume des appareils, tamisez les lumières. Cet environnement cosy aide bébé à se recentrer et à entamer son processus de décharge émotionnelle.
Le contact physique rassurant
Prenez votre bébé dans vos bras et tenez-le contre vous. Le contact peau à peau s’avère particulièrement efficace : votre chaleur, votre odeur, les battements de votre cœur rappellent à bébé la sécurité du ventre maternel. Sa respiration va progressivement se caler sur la vôtre, favorisant l’apaisement.
Non, vous ne risquez pas de le « gâter » ou de l’habituer à être constamment dans vos bras. Ces moments de réconfort sont essentiels pour son développement émotionnel et la construction de son sentiment de sécurité.
La voix et le regard
Parlez-lui doucement, d’une voix calme et rassurante. Tentez de capter son attention avec vos yeux. Exprimez-lui votre empathie : « Je vois que tu as besoin de pleurer, je suis là, tu es en sécurité ». Ces mots, même s’il ne les comprend pas encore, transmettent une intention apaisante.
Chantez-lui une berceuse, fredonnez une mélodie douce. Le rythme répétitif et la tonalité apaisante de votre voix peuvent l’aider à se calmer progressivement.
Le portage
L’utilisation d’un porte-bébé ou d’une écharpe de portage permet de garder votre tout-petit contre vous tout en ayant les mains libres. Cette proximité rassurante, combinée aux légers mouvements de votre corps lorsque vous vous déplacez, reproduit les sensations sécurisantes de la grossesse.
Les techniques complémentaires
Plusieurs autres approches peuvent compléter votre arsenal apaisant. Le bain peut constituer un moment de détente, à condition que bébé apprécie l’eau. L’emmaillotage, technique consistant à envelopper bébé dans une couverture légère, procure une sensation enveloppante sécurisante pour certains nourrissons.
Les bruits blancs ou roses, qui reproduisent les sons entendus dans l’utérus, aident également de nombreux bébés à s’apaiser. Aspirateur, sèche-cheveux, bruit de pluie : ces sons monotones masquent les bruits environnants et créent un cocon sonore rassurant.
Une promenade en extérieur, si la météo le permet, offre un changement de décor bénéfique. L’air frais, les mouvements de la poussette, les nouveaux stimuli visuels peuvent parfois interrompre la spirale des pleurs.
Prévenir l’intensité des pleurs de décharge
Bien qu’on ne puisse pas supprimer totalement ces pleurs, certaines habitudes quotidiennes peuvent en réduire l’intensité et la durée.
Respecter les temps de sommeil
Un bébé trop fatigué aura des pleurs de décharge plus intenses. Veillez à ce que votre nourrisson dorme suffisamment durant la journée. Les trois premiers mois, le temps d’éveil doit rester compris entre 45 minutes et 1h15 maximum. Proposez régulièrement des siestes, que ce soit dans son lit, en portage ou dans la poussette.
Limiter les stimulations
Proposez à votre enfant des activités calmes adaptées à son âge. Limitez les jouets à piles qui stimulent plusieurs sens simultanément et peuvent s’avérer hyperstimulants. Privilégiez les jouets simples en bois, les jouets sensoriels doux, les livres en tissu.
Bannissez les écrans du quotidien de votre tout-petit. Évitez également, autant que possible, les sorties dans les centres commerciaux bruyants et bondés, ainsi que les visites trop fréquentes à la maison durant les premières semaines.
Instaurer une routine du soir
Vers 6 à 8 semaines, lorsque le rythme circadien commence à se mettre en place, instaurez progressivement une heure de coucher régulière. Une routine apaisante et prévisible aide bébé à anticiper le moment du sommeil et à mieux gérer la transition vers la nuit.
Gérer vos propres émotions face aux pleurs
Entendre son bébé pleurer sans parvenir à le calmer génère naturellement du stress, de la frustration, voire de la culpabilité.
Comprendre votre réaction
Les pleurs de bébé ont une fréquence sonore particulièrement élevée qui provoque instinctivement un état de stress chez le parent. Cette réaction est normale et biologiquement programmée : elle assure que vous répondrez aux besoins de votre enfant. Cependant, lorsque les pleurs durent longtemps et résistent à toutes vos tentatives d’apaisement, cette tension peut devenir difficile à supporter.
Accepter l’impuissance temporaire
Acceptez que vous ne pouvez pas toujours arrêter les pleurs immédiatement. Votre rôle n’est pas d’empêcher bébé de pleurer, mais de l’accompagner pendant qu’il pleure. Ces larmes sont nécessaires à son équilibre émotionnel. En restant présent et bienveillant, vous lui permettez d’évacuer ses tensions en toute sécurité.
Prendre des pauses si nécessaire
Si vous sentez la fatigue, l’épuisement ou la colère monter, il est essentiel de préserver votre propre équilibre. Demandez de l’aide à votre conjoint, un proche, une personne de confiance. Relayez-vous régulièrement pour que chacun puisse souffler.
Si vous êtes seul et que la situation devient trop difficile, assurez-vous que bébé est en sécurité dans son lit, et accordez-vous quelques minutes dans une autre pièce pour respirer profondément et vous recentrer. Il vaut mieux prendre cette pause que de risquer de perdre patience.
Attention au syndrome du bébé secoué
Les pleurs prolongés peuvent parfois pousser à bout même les parents les plus aimants. Il est crucial de savoir que secouer un bébé, même brièvement, peut causer des lésions cérébrales graves, voire mortelles. Si vous sentez que vous perdez le contrôle, posez immédiatement votre bébé en lieu sûr et éloignez-vous. Appelez quelqu’un pour vous aider ou contactez une ligne d’écoute.
Bébé ne pleure jamais pour manipuler
Il est essentiel de déconstruire cette idée reçue encore trop répandue. Un bébé ne pleure jamais pour vous manipuler ou attirer l’attention de manière calculée. Ses pleurs sont toujours une réponse à un besoin réel, qu’il soit physique ou émotionnel.
Pour un nourrisson, pleurer constitue son unique moyen de communication. Il est donc fondamental de considérer ces pleurs comme l’expression légitime de ses besoins, et non comme une tentative de manipulation. Répondre systématiquement et avec bienveillance à ses pleurs renforce sa sécurité émotionnelle et l’aide à développer un attachement sain.
À l’inverse, laisser systématiquement un bébé pleurer sans répondre lui enseigne qu’il ne peut pas compter sur ses figures d’attachement. De plus, les pleurs prolongés sans réponse maintiennent un taux élevé de cortisol, dont l’impact répété peut affecter négativement le développement cérébral.
Quand consulter un professionnel de santé ?
Bien que les pleurs de décharge soient normaux, certaines situations justifient un avis médical.
Les signes d’alerte
Consultez rapidement votre pédiatre si les pleurs s’accompagnent de fièvre, de vomissements, de diarrhée ou de tout autre symptôme de maladie. Si bébé refuse de s’alimenter, semble particulièrement faible ou présente une modification de son comportement habituel, une consultation s’impose.
Les pleurs excessifs
Un bébé qui pleure de manière excessive jour et nuit, sans période de répit, doit être examiné par un médecin. Des pleurs qui ne diminuent pas après 4 mois ou qui s’intensifient au fil des semaines méritent également une évaluation professionnelle.
Votre propre détresse
Si vous vous sentez dépassé, épuisé, déprimé ou anxieux face aux pleurs de votre bébé, n’hésitez pas à en parler à un professionnel de santé. La fatigue parentale et le stress lié aux pleurs peuvent parfois révéler ou aggraver une dépression post-partum qui nécessite un accompagnement spécifique.
Les pleurs de décharge : une étape de développement
Gardez à l’esprit que cette période, bien qu’éprouvante, est transitoire. Les pleurs de décharge font partie du développement normal de votre bébé. Ils témoignent même d’un processus sain d’autorégulation émotionnelle en train de se mettre en place.
Avec le temps, vous apprendrez à mieux décoder les différents types de pleurs de votre enfant. Vous développerez votre propre boîte à outils de techniques apaisantes. Et surtout, ces pleurs diminueront progressivement jusqu’à disparaître complètement.
En attendant, rappelez-vous que votre présence bienveillante constitue le meilleur réconfort que vous puissiez offrir à votre bébé. En l’accompagnant avec empathie dans ces moments difficiles, vous posez les fondations d’une relation de confiance qui durera toute sa vie.



